Ligne Nouvelle Paris Normandie

pour un tracé alternatif qui réponde aux besoins immédiats des usagers et une réelle concertation qui permette l’expression de tou(te)s

Effet de Serre toi-même !°tient à rappeler son soutien au transport ferroviaire, pour des raisons énergétiques, climatiques mais également sanitaires et sociales. Le rail permet d’offrir, entre les agglomérations mais également à l’intérieur des aires métropolitaines, une qualité de service bien supérieure aux autres moyens de transport. Un réseau ferroviaire maillé est la meilleure alternative à l’usage généralisé de la voiture individuelle tout en garantissant un accès rapide aux centres urbains dans les meilleures conditions.

En Haute-Normandie, le développement du transport ferroviaire est un enjeu prioritaire identifié par le Schéma régional Climat Air-Energie[1]. L’objectif visé est de réduire la consommation d’énergie du secteur, les émissions de gaz à effet de serre et la vulnérabilité de notre économie vis-à-vis des produits pétroliers. En effet un trajet entre Paris et Le Havre (196 km) en voiture, émet environ 50 kg eq CO₂/véhicules, le même trajet en camion émet environ 205 kg eq CO₂/véhicule, alors que le même trajet en train n’émet en moyenne que 7,5 kg eq CO₂/passager. Les chiffres parlent d’eux même[2].

Le transport ferroviaire, des biens et des personnes, est une alternative concrète et crédible pour lutter contre les changements climatiques[3]. Cependant, chaque projet ferroviaire doit faire l’objet d’une attention particulière afin de ne pas causer d’impacts importants, pour l’environnement comme pour les populations des territoires concernés…

En 2011, Effet de Serre toi-même !°aux côtés de Haute-Normandie Nature environnement[4] a participé au Débat public sur le projet de ligne nouvelle Paris-Normandie[5] afin de revendiquer une reprise du réseau normand dans les plus brefs délais, au moindre cout pour la collectivité et les usagers afin d’améliorer la qualité de service offerte au plus grand nombre.

L’expertise complémentaire proposée par la Commission nationale du Débat public[6] avait répondu à l’essentiel de nos attentes en proposant un phasage du projet et surtout de privilégier une modernisation de la ligne existante au lieu de construire une ligne nouvelle prohibitive aux dépends du cadre de vie, des activités agricoles et de l’environnement.

SNCF-Réseau et la Commission mobilité 21[7] ne l’ont pas entendu ainsi. Le projet présenté à l’issue du Débat public ignore la plupart des avis du public[8] ne faisant que modifier à la marge la proposition initiale. La solution soumise aujourd’hui à la consultation du public amène de fait à la construction d’une nouvelle ligne qui ne fait aucunement consensus.

Effet de Serre toi-même ! s’interroge plus particulièrement sur le choix de SNCF-Réseau de privilégier l’aménagement du segment Rouen-Yvetot alors que la priorité en termes de mobilités est de développer l’interconnexion ferroviaire entre Evreux, la Communauté d’agglomération Seine-Eure et la métropole rouennaise.

Nous regrettons qu’en dépit des déclarations d’intention et la fusion prochaine des deux régions normandes, le « Y » qui doit assurer une meilleure circulation entre les deux Normandie ne soit qu’un « projet cible » repoussé au-delà de 2030. Mais surtout nous déplorons que la concertation mise en œuvre par SNCF-Réseau ne permette pas l’expression de tou(te)s. La réunion publique du 15 octobre 2015 qui s’est tenue à Rouen n’a pas répondu aux attentes des publics soucieux d’exprimer interrogations et propositions pour améliorer la qualité de l’offre ferroviaire.

Une concertation ne peut en aucun cas se résumer à des ateliers de travail dont la seule ambition est de recueillir des remarques localisées[9]. Elle doit permettre à chacun(e) de contribuer à une réflexion collective qui aide le maitre d’ouvrage à élaborer une proposition acceptable, soutenable et surtout raisonnable.

Force est de reconnaître que cela n’a pas été le cas jeudi 15 octobre à la Halle aux Toiles[10]. Le prestataire de SNCF-Réseau a refusé de permettre aux très nombreuses personnes qui désiraient prendre la parole de s’exprimer. Non seulement la salle s’est vidée alors que l’affluence était impressionnante en début de soirée, mais cette décision a suscité de très vives protestations du public, des élus, des associations de protection de la Nature et de l’Environnement et des syndicats de cheminots.

Une grande majorité des personnes présentes ont critiqué l’ambition de SNCF-Réseau de construire un aménagement imposant dans la Vallée du Cailly au titre de la mise en œuvre de la proposition dite « AB » envisagée lors du Débat public :

Christophe Bouillon, vice-président de la commission Développement durable et de l’Aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, dans un courrier adressé au secrétaire d’Etat au transport en date du 16 octobre 2015 exprime clairement le point de vue des habitants de l’Ouest de Rouen[11].

En effet il est possible d’éviter la réalisation d’une ligne nouvelle entre Rouen et Yvetot sans compromettre les objectifs de régularité, de fréquence et de rapidité du projet LNPN. « Le très haut niveau d’investissement autant que les lourdes incidences environnementales, industrielles, agricoles et humaines sont disproportionnées au regard du faible gain de temps escompté sur 34 km. »

Les quelques 0.87 G€ prévus par SNCF-Réseau pour aménager ce tronçon pourraient utilisés autrement dans le cadre d’une amélioration globale de la desserte ferroviaire du territoire avant 2030.

Compte tenu des acquis du Débat public de 2011 et du choix de SNCF de privilégier l’option « AB[12] », Effet de Serre toi-même !°propose :

• De renoncer à la construction de nouvelles infrastructures ferroviaires entre Rouen et Yvetot mais de moderniser et sécuriser les équipements existants en reprenant les propositions développées par l’expertise complémentaire citée précédemment ;

•  D’inverser l’ordre des priorités retenu par SNCF-Réseau et de privilégier COMME « section prioritaire » du projet LNPN la réalisation du tronçon Rouen-Evreux et l’amélioration du Réseau vers Caen, c’est-à-dire l’aménagement du fameux « Y eurois » ;
• De réaliser au plus tôt la construction d’une nouvelle Gare Rive-Gauche à Rouen sur le site « Sernam-quais » dans le cadre du Projet d’intérêt communautaire porté par la Métropole Rouen-Normandie qui a l’ambition ici de mettre en œuvre une démarche audacieuse de rénovation urbaine.

• D’envisager comme alternative au doublement contesté du tronçon Rouen-Yvetot, l’intégration des projets LNPN et de modernisation de la ligne Serqueux-Gisors[13] au vu de l’avis de l’Autorité environnementale n°2015-12 publié le 6 mai 2015[14].

Une utilisation au mieux de ses capacités de la section de ligne entre Motteville et Serqueux serait une possibilité pour offrir un itinéraire directe, rapide et sûr entre l’Agglomération du Havre et l’Ile de France via Serqueux, Gisors et Pontoise en garantissant une desserte de qualité des Pays de Caux et de Bray.

L’agglomération rouennaise pourrait être raccordée à cet itinéraire nouveau par la Ligne Rouen-Amiens qui elle aussi nécessite des travaux dans le but de garantir une haute qualité de service que chacun est en droit d’attendre. Plusieurs avantages justifient cette proposition :

• Cette solution aurait le mérite d’éviter un franchissement souterrain de la Seine à l’Ouest de Rouen dont le coût et la complexité sont très importants ;
• Cette solution permettrait d’améliorer la desserte du Pays de Bray et des périphéries Nord-Est de la Métropole Rouen-Normandie ;
• Cette solution libérerait des sillons ferroviaires entre la Gare de Rouen Rive-Droite et Motteville permettant notamment d’envisager la modernisation de la ligne Rouen-Dieppe revendiquée lors du débat public de 2011-2012 ;
• Cette solution ouvrirait plus largement le réseau ferroviaire seinomarin au fret en répartissant les flux sur les deux itinéraires (vallée et Plateau) vers l’Ile de France voire le reste de l’Europe.

Somme toute, il conviendrait de prioriser la modernisation des accès ferroviaires au Sud de la Métropole, entre Oissel et Pont de l’Arche d’une part et Saint-Aubin Lès Elbeuf d’autre part, et l’élargissement du franchissement de la Seine par le viaduc d’Eauplet puis le tunnel Sainte-Catherine. C’est là un réel défi technique. Mais c’est une solution qui répond bien mieux aux besoins réels[15] que le dispendieux projet de SNCF-Réseau[16].

*

Si des aménagements nouveaux sont nécessaires, ils ne le sont ni là où SNCF-Réseau les envisage ni dans la configuration proposée. Des solutions plus simples et plus efficientes existent pour répondre aux besoins du territoire et des usagers. Pour l’essentiel il s’agit d’une modernisation du Réseau existant complétée par endroit par quelques aménagements nouveaux.

La nécessaire reprise du « nœud rouennais » identifié dès le début de la réflexion pour l’amélioration de l’offre ferroviaire ne peut se faire selon les modalités présentées aujourd’hui. En conséquence Effet de Serre toi-même ! demande que :

• le budget alloué aux études en amont de la réalisation du projet[17] permette d’envisager des alternatives proposées à l’occasion du Débat public.
• Les différents scénarios soient présentés à une consultation du publique dans le cadre de procédures envisagées en 2015 par la Commission Richard sur le dialogue environnemental[18],
• Les associations de protection de la Nature et de l’environnement, les associations des usagers des transports et les syndicats de cheminots intègrent le comité de pilotage du projet LNPN[19]

Loin de remettre en cause l’opportunité globale de la LNPN, Effet de serre toi-même ! revendique une authentique co-élaboration du projet et de sa mise en œuvre qui associe non seulement SNCF-Réseau, les services de l’Etat et les élu(e)s du territoire mais aussi la population et la société civile. C’est par l’apport de regards différents que le projet pourra au mieux satisfaire les besoins effectifs du plus grand nombre dans le respect de l’environnement et des intérêts locaux.

Mais une telle démarche ne saurait ignorer l’ensemble des grands projets conçus dans le cadre de la Directive territoriale d’aménagement de l’estuaire de la Seine[20]. Alors que les finances publiques sont comptées et au vu de la situation sanitaire et environnementale du territoire, Effet de Serre toi-même ! appelle de ses vœux une réflexion globale sur les infrastructures de transport dans la région. Si le Schéma régional des infrastructures de transport adopté en 2009[21] puis le Contrat de Plan Etat-Région[22] définissent des grandes orientations, il convient de soumettre leur mise en œuvre à une concertation réelle ouverte au plus grand nombre.

Une telle démarche aurait le mérite de déterminer quelles options sont les plus intéressantes pour le territoire et d’envisager une meilleure intégration entre les différents modes de transport. Cela est particulièrement important à l’heure où l’Etat voudrait engager des centaines de millions d’euros pour un grand projet routier inutile et dispendieux, la liaison A28-A13[23].

Après les déboires du chantier de l’A150[24], Effet de Serre toi-même ! est plus que jamais convaincu de la nécessité de privilégier le rail et le fleuve. Faut-il encore que ces solutions intègrent pleinement les besoins locaux et les attentes du territoire.